Dans les camps de concentration chinois : deux femmes ouïghoures témoignent

Le vendredi 30 septembre 2022, dans le cadre d”une rencontre organisée par la Société pour les peuples menacés, la librairie Payot à Genève a accueilli deux femmes rescapées des camps de concentration chinois. Mme Gulbahar Jalilova et Mme Gulbahar Haitiwaji ont vécu l”enfer des camps d”internement chinois et sont venues témoigner devant le public genevois. Une rencontre dont on ne sort pas comme l”on est entré.

 

 

 

 

Écrit par Nawel Alaoui

 

Le vendredi 30 septembre 2022, dans le cadre d”une rencontre organisée par la Société pour les peuples menacés, la librairie Payot à Genève a accueilli deux femmes rescapées des camps de concentration chinois. Mme Gulbahar Jalilova et Mme Gulbahar Haitiwaji ont vécu l”enfer des camps d”internement chinois et sont venues témoigner devant le public genevois. Une rencontre dont on ne sort pas comme l”on est entré.

 

 

 

 

Témoignage de Gulbahar Jalilova

 

Après que l”animatrice de la Société pour les peuples menacés ait présenté les invitées et l”interprète venu traduire les témoignages des deux femmes de l”ouïghour vers le français, c”est Madame Gulbahar Jalilova qui a pris la parole pour raconter son histoire. Elle est munie de sa pochette en carton dans laquelle elle a rassemblé tous les documents attestant de la véracité de son témoignage.

 

 

 

 

Une condamnation immédiate sans jugement

 

Gulbahar Jalilova n”est pas de nationalité chinoise, elle est ouïghoure mais est née et a vécu au Kazakhstan – pays dont elle a la nationalité. Lorsque des policiers chinois l”arrêtent, ils la forcent à signer une lettre. Gulbahar Jalilova la sort de sa pochette pour nous la montrer, la lettre est écrite en chinois. Forcée de signer cette lettre sans la comprendre, il est en fait écrit dessus que Madame Jalilova atteste être une terroriste. Gulbahar Jalilova n”a jamais été terroriste, et n”a pas eu la possibilité de se défendre du fait qu”il n”y a eu aucun jugement. La lettre a ensuite été envoyée à ses enfants, qui depuis, n”ont eu de cesse de contacter les organismes internationaux, ainsi que les diplomates du Kazakhstan et de Russie pour la libérer.

 

Pendant son témoignage, Gulbahar Jalilova ne peut retenir ses larmes.

 

Elle a ensuite dû effectuer de nombreux tests médicaux, notamment une prise de sang pour savoir si elle était enceinte. Madame Jalilova ne l”était pas mais les femmes enceintes étaient alors obligées d”avorter sur le champ.

 

 

 

 

Des femmes de 14 à 80 ans détenues dans une même cellule

 

Gulbahar Jalilova s”est retrouvée dans une cellule avec de nombreuses autres femmes – jusqu”à 50 femmes. En cellule, elle était attachée des mains aux pieds, ses pieds étant enchaînés l”un à l”autre. Pour que le public genevois puisse se rendre compte, elle se lève de sa chaise et se courbe, mimant la position dans laquelle elle était contrainte, du fait des chaînes qui la maintenaient ainsi. Les femmes avec qui Gulbhar Jalilova partageait sa cellule avaient entre 14 et 80 ans. « Comment ces petites de 14 ans pouvaient-elles être des terroristes ? », nous dit Mme Gulbahar Jalilova en larmes. De la même pochette en carton, elle sort un carnet où elle a écrit de sa main à l”encre le nom et la profession de chaque fille et femme ayant partagé sa cellule : 67 femmes au total.

 

Plusieurs fois par an, les femmes internées recevaient des injections sans savoir de quoi il s”agissait. Cependant, elles remarquaient qu”après celles-ci, elles n”avaient plus leurs règles. Les femmes internées subissaient fréquemment des viols. Les viols étaient quotidiens dans les camps. Gulbahar Jalilova, les mains posées sur son ventre nous dit qu”elle en a aussi été victime.

 

 

 

 

La libération de Gulbahar Jalilova grâce à des mouvements diplomatiques

 

Grâce aux nombreuses lettre envoyées par sa famille à la Russie, au Kazakhstan et au Conseil des droits de l”Homme des Nations unies, Gulbahar Jalilova a finalement été libérée des camps d”internement chinois après un an et trois mois de détention. Elle est directement partie se réfugier en Turquie, mais a finalement continué son chemin jusqu”en France où elle vit actuellement. 

 

 

 

 

 

 

Témoignage de Gulbahar Haitiwaji

 

C”est au tour de Mme Gulbahar Haitiwaji de prendre la parole. Madame Haitiwaji a été détenue trois ans dans les camps de concentration chinois.

 

 

 

 

 

De fausses accusations et une condamnation sans jugement

 

Mme Gulbahar Haitiwaji est Ouïghoure et vivait en France depuis déjà douze ans. Elle a été contactée par son ancien employeur chinois qui lui a demandé de retourner en Chine pour signer des papiers relatifs à sa retraite. Une fois arrivée sur place, elle a été piégée.

 

À son arrestaion, elle a été forcée de signer un document attestant qu”elle avait commis des troubles d”ordre public. Elle n”a jamais rien commis de tel, et n”a pas non plus eu la possibilité de prouver son innocence, du fait qu”il n”y a eu aucun jugement.

 

Elle a ensuite été forcée de passer par de nombreux tests médicaux, notamment un test de grossesse. Madame Gulbahar Haitiwaji n”était pas enceinte. Si elle l”avait été, elle aurait été déportée avec toutes les autres femmes dans le même cas dans un endroit spécialement conçu pour les faire avorter de force.

 

Deux fois par an, des policiers venaient leur faire des injections, à elle et aux autres femmes partageant sa cellule, sans qu”elles sachent de quoi il s”agissait. Après ces injections, elles n”avaient plus leurs règles. Les femmes étaient stérilisées sans leur consentement et surtout, sans qu”elles le sachent.

 

 

 

Attachée à un lit pendant deux mois et une surveillance continue

 

Mme Gulbahar Haitiwaji a été attachée à un lit pendant deux mois sans pouvoir bouger de là. Après avoir perdu 15 kg dans le premier camp d”internement, elle a été déportée en raison de sa santé défaillante, dans un autre camp dont les conditions étaient en comparaison légèrement « moins pires ». Là, elle était surveillée 24 h sur 24 par des policiers et policières.

 

Lorsqu”elle parlait avec sa famille par appel vidéo, les questions étaient anticipées par les gardes qui lui disaient à l”avance les réponses qu”elle devait donner à sa famille. Si, au cours de la conversation, une question imprévue était posée par sa famille, un garde se tenait derrière la caméra et lui écrivait sur papier la réponse qu”elle devait donner.

 

 

 

Une question qui reste sans réponse : qu”est-il advenu des membres de la famille de Gulbahar Haitiwaji, restés en Chine ?

 

Gulbahar Haitiwaji a finalement été libérée grâce à des mouvements diplomatiques français. Après avoir publié son livre, elle n”a plus eu la possibilité de contacter sa famille restée sur place. Tout contact a été coupé.

 

 

 

 

Conclusion : remerciements

 

 

Merci à Mme Gulbahar Jalilova et à Mme Gulbahar Haitiwaji pour vos témoignages poignants et votre courage. Nous n”oublierons pas vos paroles, votre souffrance, votre histoire. Nous ne repartons pas de cette rencontre comme nous y sommes entrés. Nous emportons avec nous la souffrance partagée.

 

Merci également à Asgar Can, ancien vice-président du Congrès mondial des Ouïghours et actuel président de l”Union du Turkestan oriental en Europe, présent lors du témoignage de Mme Gulbahar Jalilova et de Mme Gulbahar Haitiwaji, pour défendre les droits de l”Homme et la liberté du peuple ouïghour, ainsi que pour sensibiliser l”Europe aux atrocités qui se déroulent au Turkestan oriental.

 

 

 

 

 

 

Pour finir, merci à la Société pour les peuples menacés pour avoir organisé cette rencontre et merci à la Librairie Payot de nous avoir accueilli.